Dans la grande famille du vêtement de travail, je demande la salopette. Et oui, si elle est aujourd’hui un élément de notre vestiaire quotidien, la salopette est avant tout un vêtement pensé et imaginé pour les travailleurs. Il est temps de rétablir la vérité sur cet assemblage de tissus à l’histoire passionnante.
La salopette, un nom qui fait sourire
Salopette, c’est un mot désuet, mais qui en dit long sur le produit. Car, si ce n’est pas son premier nom, c’est celui qui l’a rendue célèbre. Autrefois appelée “cotte à bretelles”, son utilité première était de protéger de la saleté. Portée par dessus les vêtements de l’ouvrier, elle lui permettait de ne pas se “saloper”. Sur ce point, les étymologistes ne s’accordent pas tous sur l’origine exacte de nom propre. En revanche, il sont tous d’accord sur sa référence au sale, à la saleté (“salope” signifie en ancien français “crasseux”).
Un pionnier du vêtement de travail
Elle est inventée par Louis Lafont en 1844, pour son beau-père, charpentier, pour lui éviter de tâcher ses vêtements. Mais aussi pour qu’il ait ses outils toujours à portée de main. Il s’agit à l’origine d’un largeot, pantalon ample légèrement resserré en bas, à la ceinture duquel est cousue une poche. C’est quelques années plus tard qu’Adolphe Lafont, son petit-fils (et dépositaire du modèle et de marque de vêtements de travail en 1896), améliore le modèle initial. Il y ajoute une bavette retenue par des bretelles ; la “406” est née. Pratique et confortable, elle est immédiatement adoptée par les professionnels et fait, aujourd’hui encore dans l’inconscient collectif, partie de l’image de la révolution industrielle. D’ailleurs, elle compose le costume de Charlie Chaplin lorsqu’il dénonce le travail à la chaîne dans le film Modern Times.
La salopette, un vêtement unisexe ?
Est-il important de préciser que, malgré le fait que la cotte à bretelles soit portée par grand nombre de femmes aujourd’hui, ce vêtement est à l’origine destiné aux hommes ? Car à cette époque, c’est l’homme qui travaille la terre, le bois, la mécanique… Finalement, c’est pendant la Seconde Guerre Mondiale que les femmes, contraintes de remplacer leurs hommes partis au front, enfilèrent pour la première fois cet uniforme. Pour ne plus jamais le quitter !
La salopette, un vêtement de travail technique
Des bretelles élastiques pour l’aisance, des boucles brevetées et amovibles pour faciliter le nettoyage, une poche bavette sur le devant, avec deux fermetures en diagonale pour un accès facile à tout ce qui peut être utile, une poche crayon au milieu, deux poches latérales. Et dans le dos, une poche revolver avec fermeture à glissière pour ne rien perdre, une poche-mètre, un porte marteau. C’est le bleu de travail dans toute sa splendeur. La salopette est pratique et fonctionnelle. Si elle est le premier vêtement de travail, c’est aussi celui qui séduit encore les professionnels 173 ans après sa création.
Un succès national et international
Année 1975 à Lyon. La salopette connait un succès croissant et régulier depuis sa création. La mode est aux couleurs vives, et les équipes de Lafont ont l’idée de moderniser le modèle. Pas de changement de patron, mais une déclinaison de couleurs chatoyantes. L’idée est excellente, car la salopette Lafont fait notamment la couverture du magazine Vogue. Elle envahit les placards des modeuses, puis les rues; les clients des “Bains Douches” ou du “Palace” dansent en salopette Lafont. Cette même année, Lafont conquiert les États-Unis. Sa cotte à bretelles est alors vendue dans de célèbres boutiques telles que Bergdorf Goodman. Surnommée “éléphant” (en référence à la prononciation américanisée de la marque apposée sur l’étiquette : “A.Lafont”). C’est à cette même époque que Levi’s invente la salopette à ceinture en denim: le waist overall. En 1976, Agnès B. créé la première salopette blanche plus ajustée à destination du grand public. Depuis, tous les créateurs et marques de mode ont réinterprété la salopette.
Un vêtement qui divise !
La salopette, on aime ou on n’aime pas. Pour certains, c’est un vêtement destiné aux femmes enceintes, aux enfants et adolescents. Alors que d’autres trouvent qu’elle dénonce les morphologies peu flatteuses. Mais force est d’admettre que la salopette rencontre depuis des décennies un immense succès. Dérivée en une multitude de matériaux (jean, cuir, maille…), dans plusieurs formes (robe, short,évasée,…), elle est adoptée par les filles les plus branchées.
Du vêtement de travail au vêtement de scène
Nombreux sont les célébrités ayant portées une salopette. En 1974, Coluche apparaît sur scène en salopette Lafont bleue à rayures blanches. Elle deviendra son emblème. D’ailleurs, la statue de la salopette a été érigée en 2011 à Montrouge, en hommage à l’humoriste. Au début des années 1980, c’est Sophie Marceau qui porte la salopette Lafont dans le film qui l’a révélée : La Boum. Il se murmure aussi que le sculpteur César aimait porter la salopette dans son atelier.
Sources : Qualités, objets d’en France – Bernard Chapuis et Ermine Herscher – Editions du May – 1989
Savoir-faire du département du Rhône– Stéphane Avram et Hervé Tournier – Autre Vue – 2004